Non, la liberté d’expression n’est pas le fondement de la démocratie !

Que la liberté d’expression soit une nécessité apparaît clairement lorsque nous pensons au citoyen isolé, malmené par l’administration, devant qui se ferment toutes les portes et à qui ne reste qu’un seul recours : rendre publique l’injustice dont il est victime, en la portant, par exemple, à la connaissance des lecteurs d’un journal.

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Mais, ce faisant, nous nous simplifions trop la tâche. Imaginons plutôt que la parole aspirant à la liberté d’expression s’apparente à une propagande haineuse, ou qu’elle consiste à diffuser des informations trompeuses. Pensons aussi non à l’individu isolé mais au groupe de médias possédant chaînes de télévision, stations de radio, journaux, qui peut leur faire dire ce qu’il souhaite. Qu’ils échappent au contrôle gouvernemental est sans doute une bonne chose ; que leur action soit entièrement bénéfique paraît plus douteux.

La liberté d’expression a certes sa place parmi les valeurs démocratiques, mais on voit mal comment on pourrait en faire leur fondement commun. Elle représente une exigence de tolérance intégrale (rien de ce qu’on dit ne peut être déclaré intolérable), donc un relativisme généralisé de toutes les valeurs : « Je réclame le droit de défendre publiquement n’importe quelle opinion, comme de dénigrer n’importe quel idéal. » Or chaque société a besoin d’un socle de valeurs partagées ; les remplacer par « j’ai le droit de dire tout ce que je veux » ne suffit pas pour fonder une vie commune… De toute évidence, le droit de se soustraire à certaines règles ne peut être l’unique règle organisant la vie d’une collectivité ! « Il est interdit d’interdire » est une jolie formule, mais aucune société ne peut s’y conformer.

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A côté de la liberté de choix qu’il ménage à ses citoyens, l’Etat a (ou devrait avoir) d’autres objectifs : protéger leur vie, leur intégrité physique et leurs biens, combattre les discriminations, œuvrer en vue de la justice, de la paix et du bien-être communs, défendre la dignité de tous les citoyens. A ce titre, comme Burke le savait déjà bien, la parole ou les autres formes d’expression subissent des restrictions, imposées en raison des autres valeurs auxquelles adhère la société.

Si l’on prend au sérieux ces réserves sur le caractère absolu de la liberté d’expression, est-on obligé d’aller à l’autre extrême et exiger que la loi, ou la puissance publique, contrôle tout ? Est-on condamné à choisir entre chaos libertaire et ordre dogmatique ? Je ne le crois pas. Il s’agit plutôt d’affirmer que la liberté d’expression doit toujours être relative – aux circonstances, à la manière de s’exprimer, à l’identité de celui qui s’exprime et de celui que décrit son propos. L’exigence de liberté ne prend son sens qu’en contexte – or les contextes varient énormément.

 

Wiht Love

 

Ruben S.

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